Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
De l’acceptation du bitcoin en paiement des honoraires d’avocat
« Les honoraires sont payés dans les conditions prévues par la loi et les règlements, notamment en espèces, par chèque, par virement, par billet à ordre et par carte bancaire. »
Article 11.5 Mode de règlement des honoraires du RIN
Alors peut-on être payé en bitcoin ? Oui, on peut.
Rien n’interdit le paiement des honoraires de l’avocat en cryptomonnaie : bitcoin, ethereum, ripple, plexcoin…
C’est possible parce que la valeur d’une cryptomonnaie est certaine. En effet, cette valeur est figée au moment du transfert des unités (ex 0,002134 bitcoins) pour le montant du paiement.
Que cette valeur fluctue après l’échange, relève du risque que prend l’avocat notamment en cas de crash et non du client qui a régulièrement payé.
Par ailleurs, c’est sur la base de cette même logique sur la valeur qu’il est possible de payer les honoraires de l’avocat en monnaies locales. Cette valeur est connue du client au moment du change de ses euros en nissart, sol-violette, renoirs… souvent d’un 1 € pour 1 unité de cette monnaie locale.
Pour les experts :
Aucune disposition légale réglementaire ou déontologique n’interdit le mode de paiement en dation, à savoir autrement qu’en monnaie fiduciaire ou scripturale.
La seule condition pour accepter le paiement en dation est que le bien abandonné en paiement ait été préalablement évalué.
La jurisprudence n’est pas en reste à ce sujet.
L’exemple le plus connu et rabâché par tous est l’arrêt de la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 19 novembre 2009 sur le paiement des honoraires par œuvre d’art. (Cass Civ. 2e, 19 nov. 2009, n° 07-13268)
Mais il existe un autre exemple plus ancien dans lequel le paiement des honoraires de l’avocat s’est fait par meubles et objets divers. (Cass Civ. 1er, 17 oct. 2000, n° 98-19819)
Cet arrêt nous précise que par acte authentique en date du 12 octobre 1987 (soit il y a maintenant plus de 30 ans) Mme Y… a reconnu devoir à M. Von Z…, avocat, une somme correspondant à des honoraires et lui a remis, à titre de dation en paiement, des meubles et objets énumérés dans une annexe.
On peut aussi citer le paiement des honoraires de l’avocat par compensation avec l’économie résultant de la mise à disposition gratuite d’un studio par le client durant trois années. En l’espèce, c’était la fille de l’avocat qui logeait au sein du studio. (AD n° 23.4079, 8 nov. 2005)
C’est le principe de la liberté contractuelle qui permet aux parties de stipuler aux conventions d’honoraires un mode ou un autre pour le paiement des honoraires.
À ce titre, le comité d’éthique du barreau de Paris a considéré que le règlement des honoraires par actions ou parts de société était parfaitement possible. (Bull. ordre des avocats de Paris, 10 oct. 2000, p. 216)
C’est au vu de l’ensemble de ces considérations, qu’il nous est possible d’affirmer que les cryptomonnaies diverses et les monnaies locales peuvent être acceptées en paiement par l’avocat pour ses honoraires.
En effet, ces dernières ont intrinsèquement toujours une valeur.
Pour les cryptomonnaies, leur valeur est figée au moment de la transaction par la bloc-chaine qui va enregistrer et authentifier le paiement.
Même si le cours peut fluctuer avant ou après, la date à la seconde près du paiement est établie de façon certaine par ce mécanisme, de sorte que la contrepartie versée (X unités de la cryptomonnaie) fixe de manière définitive et certaine la valeur de la cryptomonnaie obtenue en paiement. Il faut donc se mettre d’accord en amont sur la plateforme de paiement retenue pour la transaction : on peut citer celui de Kraken par exemple.
Pour les monnaies locales, leurs valeurs sont attribuées au moment de leur conversion à partir de l’euro dans les bureaux de changes qu’ils soient physiques ou virtuels. De plus, il est souvent précisé au sein des conventions signées, à destination des commerçants les utilisant, le taux de parité de 1 pour 1 par exemple 1 nissart pour 1 euro. Aussi, la valeur d’une monnaie locale est connue tant par le consommateur que le professionnel avant tous règlements.
Aussi, la seule mise en garde pour l’avocat est le risque de moins-values qui pourrait intervenir à la suite du paiement en cryptomonnaies.
Si l’on peut faire un parallèle, ce n’est ni plus ni moins que le même risque lors du paiement en devises étrangères, à ceci près que le cours du taux de change de ces monnaies est plus stable.
La moins-value n’exonère pas l’avocat de la déclaration de la valeur des sommes au jour de l’encaissement, quand bien même le cours aurait chuté entre temps. L’avocat supportera alors cette différence et reste redevable de la TVA s’il y est assujetti sans pouvoir faire valoir la dévaluation.
Dans le cas d’une plus-value, il ne faut pas oublier que même réalisée dans le cadre d’une activité libérale, celle-ci est imposée et donc devra être déclarée au bénéfice de la structure.
Enfin, il est à noter que peut importe le mode de paiement, l’établissement d’une facture d’honoraire, l’intégration des paiements dans sa comptabilité et le paiement de la TVA pour ceux qui y sont assujettis reste obligatoire.
Xavier FRUTON